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La stagnation de la création d’entreprises en Région de Bruxelles-Capitale au regard des deux autres régions belges

Le nombre de créations d’entreprises est proportionnellement plus élevée en Région de Bruxelles-Capitale que dans les deux autres régions belges. En effet, les villes sont historiquement des lieux où il est plus facile de prendre les risques inhérents à la création d’une entreprise. À partir de 2019, cette spécificité économique bruxelloise n’est plus vraie, ce qui n’est pas sans conséquences du point de vue de la démographie bruxelloise des entreprises. Ce "À la Une" analyse l’ampleur du phénomène.

La création d’entreprise stagne en Région bruxelloise depuis 2016

Entre 2008 et 2016, la croissance du nombre de créations d’entreprises en Région bruxelloise (+ 4,4 % par an) était du même ordre que celle observée en Flandre (+ 4,2 % par an) et supérieure à celle observée en Wallonie (+ 3,1 % par an). Ainsi, l’évolution observée en Région bruxelloise était légèrement supérieure à ce qui est observé dans le reste de la Belgique (→ Graphique).

Depuis 2016, le nombre de créations fluctue autour de 12 000 nouvelles entreprises assujetties à la TVA en Région bruxelloise. L’évolution reste globalement légèrement positive (+0,7 % par an par rapport à la moyenne des créations entre 2016 et 2018). En parallèle, la croissance s’est poursuivie en Flandre (+7,4 % par an sur la même période) et en Wallonie (+3,9 % sur la même période).

La stagnation du nombre de créations d’entreprises est tel qu’il ne permet plus d’affirmer que les créations d’entreprises sont plus fréquentes en Région bruxelloise qu’ailleurs en Belgique. Ceci est un changement important, car les villes tendent à être des lieux privilégiés pour créer une entreprise.

Évolution du nombre de création d'entreprises entre 2008 et 2022

Base 100 en 2008

Source : Statbel, 2022, calculs IBSA, 2024.

Note de lecture : en 2014, en 2016 et en 2022, des entreprises, jusque-là exemptées de TVA, ont du s’assujettir à la TVA. Ceci explique, pour partie, les ruptures et l’augmentation tendancielle du taux observé (→ Voir méthodologie pour plus de détails).


D’où provient la stagnation de la création d’entreprises en Région bruxelloise ?

Deux-tiers des créations relèvent de dix secteurs d’activités économiques où les petites entreprises sont proportionnellement nombreuses. L’évolution observée dans ces dix secteurs permet de mieux comprendre le phénomène de la stagnation de la création d’entreprises.

Dans le secteur des activités juridiques et comptables (NACE 69) et d’architecture et d’ingénierie (NACE 71), la dynamique de créations est supérieure à Bruxelles que dans le reste de la Belgique. 

Bien qu’également positive, la dynamique de créations d’entreprises est inférieure à Bruxelles à ce qui est observé ailleurs en Belgique dans plusieurs secteurs des services aux entreprises (programmation, conseil et autres activités informatiques (NACE 62) ; activités de sièges sociaux et de conseil de gestion (NACE 70) ; services administratifs de bureau et les autres activités de soutien aux entreprises (NACE 82) et dans les activités pour la santé humaine (NACE 86).

Enfin, le nombre de créations d’entreprises décroit à Bruxelles, ce qui n’est pas forcément le cas dans le reste de la Belgique parmi plusieurs activités liées à la consommation des ménages tels que les travaux de construction spécialisés (NACE 43), le commerce de détail (NACE 47), le transport et l’entreposage (NACE H) et la restauration (NACE 56).
 

Évolution du nombre de créations d'entreprises en Région de Bruxelles-Capitale et dans le reste de la Belgique (comparaison période 2015-2017 et 2020-2022) dans les 10 secteurs où les créations sont les plus fréquentes
 

   Section et division NACE-BEL (2008)

Nombre moyen annuel en RBC (2020 - 2022)

Création dans la RBC

Création
dans le reste de la Belgique

F

Travaux de construction spécialisés (43)

   996

-34 %

60 %

G

Commerce de détail, à l’exception des véhicules automobiles et des motocycles (47)

   902

-11 %

36 %

H

Transports et entreposage

   508

-8 %

49 %

I

Restauration (56)

   506

-34 %

-9 %

J

Programmation, conseil et autres activités informatiques (62)

   784

31 %

37 %

M

Activités juridiques et comptables (69)

   802

26 %

18 %

M

Activités des sièges sociaux ; conseil de gestion (70)

   1 500

12 %

27 %

M

Activités d’architecture et d’ingénierie ; activités de contrôle et analyses techniques (71)

   465

22 %

21 %

N

Services administratifs de bureau et autres activités de soutien aux entreprises (82)

   400

29 %

44 %

Q

Activités pour la santé humaine (86)

   641

143 %

181 %

Ensemble des créations d’entreprises

   11 701

-1 %

11 701

Source : Statbel, 2022, calculs IBSA, 2024.
 

Quelles sont les pistes explicatives ?

Parmi les nombreuses pistes expliquant cette divergence entre les régions, une première piste correspond à l’assouplissement des règles d’accès à certaines professions, plus ancien et plus important en Flandre qu’en Wallonie. A Bruxelles, l’assouplissement a été décidé fin 2023, dont l’effet ne sera visible qu’en 2024 (→ Encadré méthodologique).

Par ailleurs, l’évolution des choix de localisation des sièges sociaux est une seconde piste explicative. La localisation des sièges sociaux est influencée par des facteurs personnels, dépendant de l’entrepreneur (lieu de résidence, opportunité immobilière…), de la localisation des clients et des fournisseurs, mais aussi de choix administratifs (par exemple, les entreprises en personne physique sont fréquemment localisées au lieu de résidence de l’entrepreneur, qui peut être différent du lieu effectif des prestations professionnelles).

Enfin, la périurbanisation est la troisième piste explicative. L’étalement urbain des lieux de résidence et de lieux de travail peut expliquer cette divergence entre les régions : les entrepreneurs peuvent privilégier les périphéries flamande et wallonne de Bruxelles pour y développer leur activité.
 

Encadré méthodologique

Les données sur les entreprises

Les statistiques présentées dans cet "À la Une" proviennent des bases de données sur les entreprises assujetties à la TVA produites par Statbel (Direction générale Statistique – Statistics Belgium). Les données fournies par Statbel couvrent la période 2008 à 2022. Elles sont établies sur la base du contenu de la Banque Carrefour des Entreprises (BCE). Cette dernière est un registre administratif géré par le SPF Économie reprenant toutes les données d’identification des entreprises qui exercent des activités en Belgique. Le nombre d’entreprises correspond plus précisément au nombre d’unités légales enregistrées en tant qu’assujetties à la TVA dans la Banque-Carrefour des Entreprises. Une entreprise est assujettie à la TVA lorsque ses activités sont soumises à la TVA, ce qui implique l’attribution d’un numéro unique d’entreprise. Pour une image complète de l’activité économique bruxelloise, il convient de croiser la démographie d’entreprises avec d’autres données telles que l’emploi ou le volume de production.

Les créations d’entreprises

Le nombre de créations d’entreprises correspond plus précisément au nombre d’unités légales présentes avec la qualité d’assujetti à la TVA dans la Banque Carrefour des Entreprises (BCE) au 31 décembre d’une année, et qui ne l’étaient pas au 31 décembre de l’année précédente. Le nombre de créations est donc établi en comparant l’état de la BCE au 31 décembre de deux années successives. Cela concerne les nouvelles entreprises, les entreprises existantes qui n’étaient pas identifiées ("assujetties") à la TVA ou qui avaient perdu la qualité d’assujetties temporairement.

L’impact de la réglementation sur les statistiques

Plusieurs évolutions réglementaires ont influencé le nombre d’entreprises assujetties à la TVA et, in fine, les statistiques sur la démographie des entreprises. En effet, plusieurs professions ont été récemment soumises à la TVA alors qu’elles en étaient jusque-là exemptées comme les avocats (en 2014), les dirigeants d’entreprises (en 2016) ou les médecins dont certains actes sont désormais soumis à la TVA (en 2016 et en 2022). Ces évolutions ont concerné l’ensemble de la Belgique. Dès lors, ces évolutions réglementaires ont mené à des créations d’entreprises "artificielles" : ces activités pouvaient préexister avant leur assujettissement, ce qui explique que les créations d’entreprises n’en sont pas véritablement.

Par ailleurs, les régions sont désormais compétentes pour réglementer l’accès à certaines professions (y compris la démonstration des compétences de gestion). Les trois régions tendent à assouplir ces réglementations, mais elles le font à des rythmes différents :

  • les autorités flamandes ont supprimé l’essentiel des règles d’accès dès 2018 ;
  • suivies partiellement par les autorités wallonnes la même année ;
  • les autorités bruxelloises ont assoupli les règles d’accès fin 2023.

Ceci peut expliquer, pour partie et dans certains secteurs, les divergences régionales observées.

 


Pour aller plus loin

IBSA (2024). Statistiques du thème "Économie".

En 2022, la réglementation des exemptions de TVA pour les prestations médicales a évolué, ceci influence les statistiques en matière de créations d’entreprises, voir : SPF Finances (2023). Exemption de TVA pour prestations médicales – Règlementation à partir du 1er janvier 2022. (Consulté le 9 novembre 2023).